Entre labeur et famille
Après l’école communale, le
certificat d’études en poche,
André a gagné Villegusien,
chez Gachet, où il fut traité
comme un fils, pour y ap-
prendre le métier de bourre-
lier et matelassier.
En 1951, il a épousé une fille
d’Aujeurres, Georgette Mo-
nier, qui lui a donné trois fils
: Guy, Sylvain et Didier et,
de là cinq petits-enfants et
cinq arrière petites-filles.
Hélas l’hyménée s’est termi-
née trop tôt, en 1990, avec la
disparition de l’épouse.
Installé à son compte, l’irré-
médiable déclin des chevaux
le poussa à entrer à la poste
à Vaillant, à Doulevant-le-
Château puis à Prauthoy où,
en 1984, il fit valoir ses
droits à la retraite. Que de
services a-t-il rendu au long
de ses tournées ! Que de mo-
ments passés, à ses heures
perdues, à continuer à ma-
nier l’alène pour réparer une
sacoche ou un élément de li-
terie! Que d'occasions di-
verses d'entendre sa voix,
tantôt teintée d'humour, tan-
tôt de fermeté, pour expri-
mer son franc parler !
Une autre joie le comblait,
celui de réunir l’impression-
nante famille Jannaud, soit
une centaine de personnes.
Un pilier
de l’U S Vesvroise
Née en 1941, en pleine occu-
pation, cette équipe façonnée
par le laitier Oertli, a engen-
dré de très bons joueurs
comme Dédé. Celui-ci, une
fois les crampons raccro-
chés, s’est attelé avec
Jacques Oertli, Charles Vie-
net, Henri Pitollet, Henri
Binet, Manuel Ferreira et
d’autres à faire perdurer le
club qui compta jusqu’à trois
équipes seniors. Tour à tour
secrétaire (1966) puis égale-
ment trésorier (1971) lui re-
venaient les lourdes tâches
de former les onze locaux,
de commander les licences,
d’assurer les convocations,
de palier à telle ou telle dé-
fection, d‘arbitrer à l’occa-
sion toujours de façon
impartiale, d’organiser une
choucroute, un tournoi de
sixte, un tournoi à onze ou
une autre manifestation pour
assurer les finances de l'asso-
ciation.
Je me souviens, comme si
c’était hier et pourtant cela
remonte à quarante ans, de
l’installation du chapiteau au
bord du terrain pentu et
caillouteux, en compagnie
de l’ami James, pour célé-
brer les agapes du méchoui
d’une fin de saison en tous
points réussies. Sous la ba-
guette vigilante de Dédé qui
comptait et recomptait les
hôtes, vérifiait que rien
n’avait été oublié, une véri-
table fourmilière s’activait
pour dresser le plancher, les
tables et les couverts.
L’équipe première avait
gagné de haute lutte son ac-
cession, fait rarissime pour
un si petit village, en pre-
mière division de district
(1971). Hélas, après le dé-
part vers d’autres cieux des
principaux acteurs l'année
suivante, je me retrouvai ca-
pitaine d’une équipe amoin-
drie qui, malgré sa vaillance,
fut rétrogradée, après avoir
eu l’insigne hon-
neur de battre
Chaumont où fi-
guraient pourtant
deux profession-
nels. Qu’importe,
la bande des Jan-
naud (Guy, Di-
dier, Gilles,
Germain, Claude, Yves,
Yvon, Dominique, Pascal et
d’autres) et des Aubertot,
Benoit, Blanchot, Chau-
douet, Cressot, Driant, Fer-
reira, Gerosa, Gindrey,
Goiset, Joly, Jourheuil, La-
chaux, Legros, Masson,
Martinerie, Monier, Monot,
Morel, Morisot, Oertli, Prat,
Richard, Ronot, Walter…
continua à écumer les stades
du sud haut-marnais, raflant
au passage de multiples tour-
nois de sixte.
En 1991, l’U S Vesvroise ne
disposant que d’installations
modestes et se vidant d’un
certain nombre de ses mem-
bres, fusionna avec Prau-
thoy, Dédé se rappelant sans
doute qu’il habitait là et qu’il
y exerçait la fonction d’ad-
joint au maire. Cette même
année, fut fêté le cinquan-
tième anniversaire du club
aux maillots bleus, avec en
apanage un maillot de la
même couleur frappé du coq,
celui de l’équipe de France
Olympique de Sylvain.
Encore à la manœuvre, Dédé
prit soin de former ses suc-
cesseurs : Bernard Chau-
douet, Jean-Paul Cressot et
Frédéric Gindrey, tout en
gardant une fonction de diri-
geant jusqu’à sa mort, après
avoir applaudi à la nouvelle
fusion avec Vaux pour for-
mer l’actuelle Entente Spor-
tive
Prauthoy-
Vaux,
où son
message
continue
d'être
reçu.
De sommets
en malheurs
En 1971, quelle ne fut pas la
fierté, teintée d’une réelle
modestie, de Dédé de voir
son fils Sylvain, auteur de 84
buts en deuxième division de
district gagner sa place aux
côtés des frères Fromoholz,
Lyautey, de Barellas et
consort, sous la conduite de
l’entraîneur Wika, en
deuxième division profes-
sionnelle à Chaumont ! Tout
en demeurant présent le di-
manche localement, il pou-
vait apprécier les courses
déroutantes de son fils au
stade Georges Dodin le sa-
medi.
Plus encore, en 1974, le pré-
sident Cuny de l’A S Nancy-
Lorraine vint recruter ce
joueur de grand talent et aux
valeurs morales appréciables
pour l’incorporer dans le
gotha du football d’élite avec
pour partenaires les Curbelo,
Mesones, Redin (entraîneur)
et un certain Michel Platini,
gagnant avec lui sa cape en
équipe de France Olym-
pique.
Malheureusement, le 4 no-
vembre, un terrible accident
de la route près de Decize
brisait la carrière et la vie du
« jeune prodige ». Une nou-
velle fois, le père sut faire
face, prendre sous son aile
(avec la complicité de son
épouse puis de sa compagne
Christiane) cet être cher à ja-
mais handicapé. Il l’accom-
pagna encore pour son jubilé
à Chaumont le 24 avril 1994
avec en prime un match de
gala opposant le Variété
Club de France où figuraient
Yannick Noah et Michel Pla-
tini opposé aux anciennes
gloires de l’ECAC et de
Nancy. Il l’accompagna en-
core à l’église de Courcelles-
Val d’Esnoms et au petit ci-
metière d’Aujeurres le 31
mars 2005.
Jamais aigri, un large sourire
illuminant sa face, Dédé
continua à mordre dans la
vie à pleines dents, présent le
dimanche le long de la main
courante, aux réunions du
conseil d’administration ou à
l’assemblée générale de son
club et savourant les diverses
médailles qu’il avait si bien
méritées. En 2013, la mort
de son fils aîné Guy, maire
d’Esnoms au Val, animateur
des Foyers Ruraux et du
Pays de Langres, véritable
catalyseur de la vie associa-
tive, entama encore un peu
plus la carapace de l’indes-
tructible vieillard sans pour-
tant l’abattre.
Ne demeuraient désormais
en ligne directe que Didier,
conseiller municipal et géné-
ral de Langres, sa compagne
Christiane et la foule des pa-
rents et amis de tous âges,
venus une dernière fois,
comme le disait le président
de l’ESPV, Laurent Auber-
tot, saluer la mémoire de ce
GEANT, lors de ses ob-
sèques émouvantes à Es-
noms le 30 décembre
dernier.
Adieu, Dédé, nous ne rever-
rons plus votre haute fi-
gure ! A tout jamais, vous
entrez au panthéon des bé-
névoles, en toute humilité
comme le voulait votre
noble nature, bien loin des
fastes chimériques que por-
tent les idoles. D’un ultime
et beau match, d’une ultime
partie, le grand sifflet a re-
tenti pour un grand Mon-
sieur, dont le ballon rond
constituait une part de vie et
qui, désormais, observe les
sportifs des cieux.
Gilles Goiset
PORTRAIT
André Jannaud :
une vie au service du football amateur
page 26
André est né le 16 avril 1929, cinquième d’une fratrie de dix, au foyer
d’Alice et Marcel Jannaud, à Vesvres-sous-Chalancey. Le 24 décem-
bre 2014, comme pour mieux faire regretter ce grand Monsieur, il a
tiré sa révérence, après une courte hospitalisation.